Interview
 

LA CONVENTION DU DISQUE CREUSE SON PREMIER SILLON

PAR ADÈLE FUGÈRE

Les disquaires « Comme à la radio » de Nantes et La Roche-sur-Yon et le Quai M s’associent et proposent, le dimanche 17 novembre, la première Convention du Disque « Can You Dig It!? ». Sur place, des vinyles à dénicher, des livres à se procurer, des affiches musicales à acquérir et des explications sur la fabrication du vinyle à glaner. L’occasion, pour nous d’en savoir un petit peu plus auprès de Vathanak Billon, l’un des initiateurs de l’évènement, disquaire du « Comme à la radio » yonnais, garçon volubile et amoureux fou de la galette. Interview.

Adèle Fugère (AD) : d’où vient l’idée de cette Convention du Disque au Quai M à La Roche-sur-Yon?

Vathanak Billon (VB) : ce n’est pas nouveau sur le territoire. Il y a 20 ans il existait déjà des conventions du disque à La Roche-sur-Yon. L’une d’entre elles était notamment organisée par la Maison de Quartier de Saint-André-d’Ornay. Puis, pendant 10 ans, la radio Graffiti a pris le relais. Elle a eu sa fameuse bourse sonore au Bourg-sous-La Roche. Et quand l’année dernière, elle décide d’arrêter, ça m’a semblé important de garder un évènement tourné autour de la musique et du vinyle, ici, à La Roche-sur-Yon. Donc assez naturellement je me suis tourné vers Benoit (Bénazet, le Directeur du Quai M), pour voir si on ne pouvait pas organiser quelque chose ensemble. Il m’a dit oui tout de suite. Et ce qui est super, c’est que ça se passe au Quai M. Ça donne une dimension particulière à l’évènement puisque la Convention investit un lieu dédié à la musique. 

AF : le public traditionnel des conventions du disque est assez spécifique. Les férus de vinyles sont fidèles. Ils se déplacent. Penses-tu que le fait de mettre en place cette Convention du Disque au Quai M peut faire venir un autre public ?

VB : ça fera forcément venir le « petit » milieu traditionnel des conventions. Et entre nous, les vrais « junkies » du disque ne s’intéressent pas vraiment à l’endroit où ça se passe. Ce qu’ils veulent avant tout c’est du vinyle. Je pense aussi que la Convention peut faire venir le public familier du Quai M qui se déplace traditionnellement pour un concert mais qui ne connait pas forcément les salons. Ce qui est certain c’est que dans le public de dimanche prochain, il y aura des personnes qui mettront le pied pour la première fois au Quai M, et ça me plairait bien de les voir revenir, dans un second temps, pour profiter d’un concert. Et puis il ne faut pas oublier les jeunes qui ne sont pas forcément habitués à ce genre d’évènement. Les personnes qui arpentent les stands d’un salon du disque ont traditionnellement 30, 40, 50 ans voire plus. Mais je me rends compte aujourd’hui que dans les habitudes de consommation des plus jeunes qui passent la porte du magasin, acheter un disque physique c’est un soutien absolu à l’artiste. Ils l’ont d’abord « poncé » sur les plateformes. Ils le connaissent par cœur grâce au streaming mais ils viennent aussi acheter l’objet parce qu’ils ont envie d’avoir le vinyle dans leur collection. Ça traduit alors un lien très fort avec le disque. Donc ce serait chouette qu’ils passent nous voir dimanche prochain.

AF : quel est le public qui passe la porte de « Comme à la radio »?

VB : c’est très divers. Il y a le jeune qui sait exactement ce qu’il veut parce qu’il a écouté un album en boucle sur Deezer ou Spotify et qu’il veut avoir l’objet chez lui. On vient d’en parler. Il y a celui ou celle qui est dans une démarche de découverte « à l’ancienne ». Celle qu’on avait avant l’arrivée d’Internet, et qui va se fier aux conseils du disquaire. Un peu comme quand tu vas chez le médecin et que tu lui dis : « voilà, j’ai ce genre de symptômes, qu’est-ce-que vous me donnez comme ordonnance ». Et ben moi je prescris (rires). Et certains repartent avec un vinyle inconnu sous le bras qui, je l’espère, peut leur faire du bien. Je ne prétends pas tout connaitre. Dailleurs, jai des clients qui me font découvrir des choses et cest ça qui est chouette. Disquaire, c’est un métier de passion, d’expertise, de liens et de rencontres. Mon métier c’est de conseiller, de guider, d’aider et d’écouter. Je ne vends pas des palettes de PQ. 

AF : comment écoutes-tu la musique ?

VB : ça dépend de mon humeur et de mon usage. Bon, je dois quand même reconnaitre que je suis dans la catégorie du réac (rires). J’ai toujours attaché beaucoup d’importance au support physique. Par exemple, j’ai gardé tous mes CD. Je ne me voyais pas m’en débarrasser.  Beaucoup l’ont fait avec l’arrivée du streaming. Mais moi, non. Ils sont constitutifs de mon identité. Mais, du fait de mon métier, je suis un observateur privilégié de l’évolution de l’écoute musicale et je remarque qu’on a tendance à opposer les supports alors qu’ils sont, à mon sens, fondamentalement complémentaires. Déjà, il faut avoir conscience qu’aujourd’hui il y a plein de musiques qui sortent sans support physique. Donc quand je veux découvrir un nouveau son, je le fais via le Net. En revanche, chez moi, quand j’écoute une galette, j’écoute vraiment une galette. Je ne fais rien d’autre. Il ne faut pas me parler. C’est un vrai rituel. Un engagement. C’est une expérience. Je choisis mon disque en fonction de mon humeur ou de la « vibe » que j’ai envie de donner à ma journée. Je le pose sur la platine. Je le retourne pour écouter la Face B. Je sens les vibrations dans lair. En voiture, c’est différent, j’écoute du CD parce que j’ai toujours un auto-radio CD. J’ai d’ailleurs un ami à Nantes qui a une théorie là-dessus. Il dit que les jeunes conducteurs et les vieilles bagnoles vont sauver le CD parce qu’on trouve encore des lecteurs CD dedans (rires). Mais ça, ce sont mes pratiques à moi. Et ce qui est intéressant dans l’écoute c’est qu’il n’y a pas de règles préétablies. Chacun fait en fonction de lui, de son mode de vie et de son âge. Chaque génération a une attache affective avec le support que ce soit le vinyle, la K7, le CD ou la plateforme. La seule chose qui me questionne aujourd’hui c’est comment les générations actuelles pourront transmettre leur musique dématérialisée. C’est une vraie interrogation. 

AF : aujourd’hui, acheter un vinyle ce n’est pas anodin. C'est un coût. On pourrait même parler d’investissement. Tu en penses quoi ?

VB : le prix du vinyle ne fait que progresser que ce soit sur le neuf ou l’occasion qui est principalement ce que je propose ici à « Comme à la radio ». Et c’est vrai que depuis les deux dernières années, on a vu le prix du neuf bondir. Je crains un peu qu’acheter un vinyle devienne petit à petit un sport de riches. Mais je me dis aussi qu’on arrivera toujours à proposer des disques pas chers. Il y a encore aujourd’hui des labels indépendants qui sortent des disques à 25 euros et qui sont de très bonne qualité. 

AF : c’est quoi pour toi un bon vinyle ?

VB : c’est un disque qui te procure du plaisir à l’écoute. C’est aussi simple que ça. 

AF : c’est quoi pour toi une Convention du Disque réussie ?

VB : je vais te faire la même réponse. C’est une journée qui procure du plaisir dans la découverte, les écoutes, les discussions, les rencontres. J’aimerais que le 17 novembre prochain le chill soit bon.


Pour finir, nous avons soumis Vathanak à un petit quizz. 

Voici ses recommandations. 

Le dernier vinyle que tu as écouté chez toi ?

Homogenic de Björk. 

Un vinyle à écouter entre amis ?

Ça dépend des amis (rires). Mais je dirai un gros Rap new-yorkais des années 90.

Un vinyle à écouter maintenant, à cette saison, en novembre ?

En ce moment, je ressors les disques de Folk comme ceux de Kings of Convenience ou Karen Dalton. Quand tu es tranquille à la maison et qu’il ne fait pas très beau, c’est pas mal ça.

On est bientôt à Noël. Un vinyle à écouter pendant les fêtes ?

De la belle Soul.

Un vinyle pour faire l’amour ?

Perso, je n’écoute pas de musique quand je fais l’amour (rires). Mais je pense encore à de la Soul. Pourquoi pas Voodoo de D’Angelo.

Un vinyle un lendemain de victoire de Donald Trump ?

Du gros Rock psyché histoire de s’évader. Je pense à Ultimate Spinach ou The Seeds.

Un vinyle à offrir ?

Un disque sur le label Big Crown ou un vinyle de Leila Arab. 

Un vinyle à ne surtout pas écouter ?

Tous les disques du label SERP parce que c’est le label de Jean-Marie Le Pen!

(Créé en 1963 par Jean-Marie Le Pen et Léon Gaultier, paramilitaire de la Waffen-SS, le label SERP s’emploie à presser des galettes notamment de discours et de musiques militaires du IIIème Reich. SERP se fera rattraper par la justice à plusieurs reprises et fermera définitivement ses portes en 1998. Mais les disques circulent toujours.)

Un vinyle à offrir à un disquaire ?

Ça, ce n’est pas facile (rires)! Il faut que ce soit un disque pas cher, pas facile à trouver, qu’il n’a jamais écouté et vachement bien. 

Un vinyle pour se réconforter ?

Un vinyle de France Gall période Gainsbourg, Jean-Claude Vannier. J’adore France Gall. 

Un vinyle à avoir absolument dans sa discothèque ?

Je ne peux répondre que pour moi. Il y a quelques temps, je me suis demandé ce que j’emporterais avec moi si ma maison brûlait. Ce serait mes vinyles de Fela Kuti mais surtout mes disques cambodgiens. C’est le terreau. C’est au-delà de la musique. Ce sont mes racines. Je crois que le vinyle à avoir absolument dans sa discothèque c’est ça. C’est celui qui correspond à ton ADN.

 

Convention du Disque « Can You Dig It!? » - 17 novembre 2024 - Quai M 

De 9h à 18h

Entrée libre

Toutes les infos sur quai-m.fr

 

Vathanak Billon

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