Backstage
 

L'EXPÉRIENCE DU CONCERT

PAR ADÈLE FUGÈRE
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La pandémie, et son cortège de confinements et de restrictions, a suspendu et mise à mal pendant plusieurs mois les rassemblements familiaux, amicaux, conviviaux et festifs. Chacun en a fait l’expérience plus ou moins heureuse, n’y revenons pas. Mais c’est peut-être dans ce temps imposé et suspendu que nous avons compris à quel point l’expérience d’un concert était singulière.

Le concert est un moment particulier. Il est un subtil mélange entre l’émotion, le sentiment et la dépense physique certes plus ou moins mesurée si vous êtes d’un tempérament extraverti ou simplement adepte du pied-métronome ; que vous soyez debout au premier rang, nuque tendue vers l’artiste et frange collée par la sueur ou assis au balcon avec vue imprenable sur le haut des crânes de la scène et de la fosse.

Mais installés en haut, en bas, devant ou derrière, vous vivez la même expérience. Une sorte de  communion. Un instant de partage et d’échange avec l’artiste et avec la salle assez difficile à décrire dans sa globalité. Ne dit-on pas d’un concert réussi qu’il a été « magique » voire carrément « mythique » ? N’a-t-on pas dans certains cas la sensation d’avoir vécu un moment d’exception, comme un rite collectif, un grand moment de vertige ? Mais l’expliquer, en trouver les raisons profondes, c’est une autre paire de manches. On soulignera le jeu de lumières, l’émotion de l’entrée en scène, l’expression du visage de l’artiste au mi-temps de tel morceau, l’énergie communicative du bassiste mais ce ne sont alors que des points, des détails qui, quand vous essayez d’expliquer l’exceptionnel, ne reconstituent que partiellement l’événement dans son entièreté, son émotion et sa singularité.

Le puzzle

Parce qu’un concert réussi c’est un puzzle. Fini, parfait, sans trous, sans difficultés à faire coïncider telle pièce avec telle autre. C’est la succession et l’ajustage d’étapes. Et c’est parce que toutes ces étapes vont être éprouvées que son souvenir sera, au final, impérissable.

Il y a d’abord l’attente. Celle-ci peut durer des mois entre l’achat du billet et le soir du concert. Mais avez-vous remarqué comme celle-ci est vite oubliée quand vous mettez le pied dans la salle ?

L’entrée sur les lieux du « délit » n’est alors pas chose anodine. Elle est un prélude, une amorce, une porte à passer - au sens propre comme au sens figuré - dont le sésame est le « bip » de la douchette qui valide le code-barres du ticket. Vous entrez alors dans une autre dimension, une faille spatio-temporelle où l’extérieur, le quotidien, la routine n’existent plus pendant deux heures. Vous n’êtes plus anonyme, invisible. Vous faites désormais partie d’une même communauté de gens qui a décidé de vivre UN moment. CE moment. Le MÊME moment. Et c’est un verre de bière à la main (breuvage immuable du concert) que vous appréhendez les lieux, l’espace, les autres. Vous prenez vos marques.

Et la lumière descend. Les conversations s’arrêtent. Les corps se tournent vers la scène. Les mentons se lèvent et les premiers applaudissements retentissent. C’est le début du fameux moment. Les musiciens s’installent. Le leader entre en scène pour entamer le premier morceau. Les claps des mains se font plus forts, les cris plus larges et les bras plus hauts. Du prélude, on passe alors à la métamorphose. Et pour qu’elle se fasse en profondeur et en longueur, il faut que l’artiste soit là, entièrement là, irrémédiablement là. Il tend une main et le public ne doit pas la rater. C’est un « contrat » tacite et intuitif entre les deux parties, une étreinte musicale consentie pour que le moment soit une réussite pendant toute la montée en puissance du concert, pour que la joie soit réelle et qu’elle explose à la fin.

Le personnel et le collectif.

Le public, entité massive s’il en est, a alors la sensation de vivre une relation personnelle, intime, exclusive avec l’artiste. Se met alors en place un lien direct entre l’individu sur scène et l’individu dans la salle. Mais c’est là tout le paradoxe et la beauté d’une expérience de concert : ressentir un lien privé avec la scène, et dans le même temps, être parfaitement conscient que l’autre placé à sa gauche, à sa droite, devant lui ou derrière lui, vit exactement la même chose jusqu’au climax de fin, jusqu’à la dernière chanson, le dernier rappel, la dernière note, le dernier salut, les deniers bravos. Jusqu’à ce qu’on rallume la salle. C’est une osmose que l’amateur de concert recherche et qui se définit par un seul nom : le plaisir. Le plaisir d’être avec l’artiste et avec la salle. Un plaisir individuel, égoïste, singulier mais aussi tribal, collectif, quasi œcuménique.

Un concert c’est ça. C’est tout ça et rien que cela. C’est à la fois multiple et simple. Général et singulier. Collectif et individuel. C’est l’image et le pixel. Au final, le puzzle et ses pièces.

Et vous alors ?

Quel sera votre prochain concert ?

Quel sera votre prochain puzzle ?