Interview
 

CLÉMENT DOUMIC DE FEU! CHATTERTON : « JOUER DANS UNE SALLE, C’EST SE CONNECTER AUX AUTRES. »

PAR ADÈLE FUGÈRE

Le 11 novembre est traditionnellement synonyme de commémoration, de souvenir et de mémoire. Pour le public du Quai M, ce 11 novembre 2025 sera aussi celui du concert flamboyant de Feu! Chatterton. Deux heures de communion intense entre ces cinq garçons et une salle surchauffée qui n’a pas boudé son plaisir. 

À quelques heures du concert, nous avons rencontré Clément Doumic, compositeur, guitariste et co-fondateur avec Sébastien Wolf de Feu! Chatterton

Les basses qui remontent dans toute la structure du Quai M viennent de se taire. Leur silence annonce que les « balances »* du groupe sont terminées. Clément Doumic s’encadre dans la porte. Il est grand, souriant, une casquette vissée sur la tête. Il se souvient très bien être passé par La Roche-sur-Yon au tout début de Feu! Chatterton. C’était alors au Fuzz’Yon.

Adèle Fugère (AF) : Dix ans plus tard, vous revenez au Quai M, une salle que vous foulez pour la première fois. Est-ce que ça change quelque chose de ne pas connaitre une salle ? Faut-il, en quelque sorte, l’apprivoiser ?

Clément Doumic (CD) : Ce n’est pas tant la salle que sa taille et son public. La façon de communiquer avec lui, la façon d’être présent en tant que musicien, ça peut être très différent. Ce n’est pas pareil de jouer dans un festival avec 10 000 personnes devant soi et de se produire dans une salle fermée, plus modeste en capacité. Le Quai M est une salle plus petite que celles que l’on fait désormais. Je crois que sa capacité est de 800-900 places, c’est bien ça …?

AF : Oui, c’est ça…

CD : … Et ça nous va très bien! Aujourd’hui, on fait des Zéniths, des Arenas. C’est un vrai challenge pour nous. Quand on peut jouer dans des SMAC, comme ici, on est ravis parce qu’on vient de là et que le faire nous est de plus en plus rare. C’est comme si on faisait mieux corps avec la salle. On sait que ce soir ça va être super. Il va y avoir une belle proximité et c’est tant mieux.

AF : Vous venez de commencer une grande tournée. La première date était à La Rochelle le 23 octobre dernier. Êtes-vous encore en période de rodage?

CD : On commence à bien avoir les morceaux dans les pattes et notamment les nouveaux. C’est peut-être au niveau technique qu’il y a encore des réglages à faire. On n’a pas d’ordinateurs sur scène. En revanche, on a pas mal de synthétiseurs analogiques qui n’ont pas de sons pré-enregistrés. Et comme il est courant chez nous de changer l’ordre des morceaux, les réglages doivent se faire en conséquence. Mais on commence à bien maitriser tout cela. 

AF : « Labyrinthe », votre quatrième album est sorti le 12 septembre dernier. Il est, à mon sens, sensiblement différent des trois premiers qui forment une sorte d’entité. Il y a comme un fil rouge qui les lie les uns aux autres. Dans ce dernier opus, les morceaux sont très différents d’une plage à l’autre, les « sons » très divers. Il y a du rock indé, de la bossa, du reggaeton, de l’électro… Est-ce que vous vouliez tester un nouveau terrain de jeu?

CD : À chaque album on a besoin de se renouveler. La redite, ce n’est pas trop notre truc. Pour les trois albums précédents, on était déjà dans cette démarche. Mais c’est vrai qu’avec le recul, on se rend compte qu’ils forment un tout et qu’à la fin de « Palais d’Argile » on sentait qu’on était arrivés au bout de quelque chose. On s’est rendus donc que, malgré nous, certains automatismes étaient là. Il a fallu combattre ça et trouver de nouvelles choses à faire. On cherche aujourd’hui à être plus direct, plus simple, plus épuré dans l’écriture, les arrangements, la production…

AF : … Ça veut dire quoi concrètement?

CD : Laisser faire le temps. Maturer les choses. Ecouter les anciens morceaux et se dire qu’on aurait pu être, ici ou là, un peu moins compliqués. L’idée c’est d’aller chercher la quintessence d’un morceau dans tous ses aspects. Même « Monolithe » (12ème morceau de « Labyrinthe », composé en cinq temps et aux consonances post-rock) qui peut paraitre compliqué de prime abord, a un coeur très épuré dans le fond.

AF : Il y a un mot qui revient beaucoup dans ce dernier album, c’est le mot « enfant ». Pourquoi?

CD : Il faudrait demander à l’auteur! (Arthur Teboul). Mais la plupart des membres du groupe ont eu des enfants pendant la conception de l’album. Ça doit venir de là. C’est un disque politique et optimiste. Avec pas mal de questionnements et notamment celle de la filiation. Qu’est-ce qu’on donne en héritage? Qu’est-ce qu’on laisse? Qu’est-ce qu’on a appris?

AF : Est-ce que c’est facile d’écrire, de composer, de répéter, de tourner avec ses amis?

CD : On est des amis. Mais je crois qu’on est aussi autre chose. Et c’est vrai que ce n’est pas facile de faire un métier, d’entreprendre une collaboration professionnelle avec des amis ou même des membres de sa famille. Mais nous, on a construit notre vie autour de Feu! Chatterton. On s’est connus à l’âge de 15 ans. On a d’abord été amis. Et ensuite, on a monté le groupe. Il s’avère qu’on a eu beaucoup de chance parce qu’il a marché. Donc aujourd’hui, on est à la fois, amis, collègues, partenaires de business, partenaires de tournée. C’est donc au-delà d’une simple amitié. D’une simple famille.

AF : Quand on parle de Feu! Chatterton et notamment de Feu! Chatterton sur scène, il y a un mot qui revient, c’est le mot « énergie ». Mais vous, qu’est ce que vous aimeriez que l’on dise de vos concerts?

CD : Moi, ça me va très bien! Le plus important pour nous cinq c’est de faire passer toutes les émotions de la chanson que l’on interprète. Il faut qu’elles passent dans les oreilles et le coeur du spectateur. Mais il faut aussi que ça se fasse de manière drôle, cool, légère et simple…

AF : … Surtout dans le contexte actuel fébrile et anxiogène?

CD : Oui. En ayant en tête la fête. Quand on est tous dans la même salle à faire et à écouter de la musique, il faut se poser la question. Pourquoi est-on là ? Pourquoi est-on ensemble à ce moment précis ? Je crois que c’est pour se connecter les uns aux autres. Sinon, on reste seul chez soi devant son écran. Et puis il ne faut pas oublier que les gens font l’effort de venir nous voir. Ils ont payé leur place, se sont déplacés. Nous nous devons de les faire danser dans la joie et l'émotion. Et sur scène, on se doit d’être pareil. D’où sans doute cette énergie qui se dégage.

AF : Si je comprends bien, c’est une forme de politesse.

CD : Oui, c’est ça. C’est de l’émotion, de la joie, de la fête et de la politesse.

« Labyrinthe », le quatrième album de Feu! Chatterton, est sorti le 12 septembre 2025.

Retrouvez les dates de leur tournée sur leurs réseaux sociaux.

* réglage du son de scène et de façade pour le concert.

David Fugère

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