LAURENT AGNOUX, LE « SERIGRAPHILE »
Pour la deuxième fois, le Quai M s’associe à French Paper Gallery et accueille une exposition d’affiches de concert sérigraphiées du 19 mars au 21 mai prochains. L’occasion était donc toute trouvée pour discuter avec Laurent Agnoux, le fondateur de cette galerie atypique à la fois présente sur le Net et dans le 3e arrondissement de Paris.
Laurent Agnoux s’excuse. Son emploi du temps est chargé. Il vient de finir l’installation de pas moins de trois expositions simultanées, et dans ces moments-là les disponibilités sont limitées et la concentration accrue.
À l’autre bout du fil, on sent un garçon très investi dans sa galerie qui fête, cette année, ses 10 ans d’existence. « Déjà » dit-il. « Je n’ai pas vu le temps passer. »
Après avoir été directeur artistique dans une maison de disques, monté son propre label musical dans les années 2000, ce féru d’affiches de concerts décide de sauter le pas et de faire de son violon d’Ingres son occupation première. « Par le passé, j’ai beaucoup côtoyé de musiciens. À chaque fois, l’idée de réaliser des affiches uniques pour des dates de concerts revenait sur la table. Et c’est en accompagnant des groupes aux Etats-Unis que j’ai pu constater la force de la sérigraphie*. Là-bas l’affiche de concert est une véritable institution. »
Outre-Atlantique,les années 60-70 voit l’avènement des « Gig**posters », des affiches alternatives faites main par des artistes qui ont tous un job à côté et qui passent leur temps libre à faire de la sérigraphie dans leur cuisine. Ils travaillent en marge des grandes agences et du système graphic-design, utilisent leur propre matériel, réalisent de A à Z des affiches d’une qualité exceptionnelle sans aucune contrainte et dans une totale liberté. Au final, ce sont des œuvres uniques inspirées de la musique qui « accompagnent » graphiquement, à l’époque, les tournées de groupe comme les Doors, les Jefferson Airplane et autres représentants du mouvement psychédélique. Le punk s’empare aussi du phénomène - notamment avec Les Clash - pour ensuite arriver jusqu’à nous. « La sérigraphie pour moi ce n’est pas une sous-catégorie de l'illustration. On ne parle pas ici de posters comme ceux qu’on collait dans nos chambres d’adolescent. Les artistes-dessinateurs qui travaillent avec nous ont un vrai talent. Un vrai univers. Ils créent des œuvres à part entière. D’où l’envie de fonder une vraie galerie pour les mettre en avant, eux et leur artisanat. »
Quand on lui dit que le mot galerie peut faire peur car principalement associé au milieu de l’Art avec un grand A, Laurent Agnoux répond : « C’est vrai. Ce n’est pas forcément facile de pousser la porte d’une galerie. D’ailleurs, le fait-on souvent? Non. On croit que ce lieu n’est pas fait pour nous. Qu’il est destiné à un public érudit de connaisseurs. Mais J’ai délibérément utilisé ce mot pour casser ce côté élitiste et dédié un vrai endroit à un véritable art avec un grand S, celui de la sérigraphie. »
Une trentaine d’affiches vont donc sortir des réserves de la French Paper Gallery et élire domicile au Quai M à partir du 19 mars. « On a sélectionné des sérigraphies de groupes comme les Fontaines D.C., les Arctic Monkeys, les Foo Fighters, Franz Ferdinand, Interpol… On a pensé très large. Mais l’idée c’est aussi d’exposer et de faire connaître la diversité, la créativité des artistes-graphistes. Le public du Quai M pourra par exemple apprécier le design tout en gravure de Cyrille Rousseau ou l’univers de Liorzh (aka Gabriel Picard), un jeune artiste breton qui a notamment travaillé sur la dernière tournée européenne des Fontaines D.C. »
L’envie de réaliser des affiches uniques vient toujours du groupe. « Et ça, franchement, ça nous plait! Parce que ça ne passe ni par le prisme de la maison de disque ni par celui du manager. On travaille en direct avec le groupe, avec l’artiste. Il nous appelle. Il dit qu’il a envie de sérigraphies. On lui propose plusieurs artistes. Il fait un choix et ensuite le dessinateur retenu a carte blanche. Ça peut aller très vite dans ces cas-là. Entre la validation du sketch (croquis) et la livraison, il se passe seulement 1 mois. »
Le public de la French Paper Gallery est très éclectique. « On croise des hommes, des femmes, des collectionneurs bien sûr, mais aussi des gens qui n’y connaissent rien. Il y a des personnes de plus de 60 ans, des jeunes de 18 ans. L’intérêt de la sérigraphie c’est que tu peux avoir chez toi une oeuvre numérotée à très peu d’exemplaires et à moins de 100 euros. C’est assez abordable. »
Mais pourquoi acquérir une affiche de concert sérigraphiée ? Quel en est l’intérêt ? « C’est un peu la même problématique que le retour en force du vinyle. Aujourd’hui, dans le monde de la musique, tout est dématérialisé. Et je crois que les gens ont besoin d’avoir l’objet associé à l’expérience. C’est la même chose pour le papier. Avoir chez soi l’affiche numérotée d’un concert qui nous a fait vibrer, ça permet de dire qu’on y était. Ça permet de s’en souvenir. C’est aussi une façon de prolonger cette émotion unique ressentie pendant le concert.»
Et si Laurent Agnoux n’avait pas évolué dans les bains de couleurs de la sérigraphie de concert, qu’aurait-il fait ? « Ce qui est certain c’est que depuis tout petit, je voulais travailler dans le milieu de la musique. C’était mon choix numéro 1. Parce que je ne peux pas m’en passer. Avec la galerie, je suis servi ! Mais je dois avouer que j’avais aussi un choix numéro 2. Au cas où. C’était pilote de ligne. L’idée de conduire un autobus dans le ciel, ça me plaisait bien ! »
Exposition French Paper Gallery du 19 mars au 21 mai 2025 au Quai M.
Entrée libre sur les horaires d'ouverture du Quai M (du mercredi au vendredi de 16h à 18h) et les soirs de concerts (avec votre billet).
Toutes les affiches sérigraphiées et exposées au Quai M sont en vente sur le frenchpaperartclub.com (dans la limite des stocks disponibles)
Pour suivre toute l’actualité de French Paper Gallery : frenchpapergallery.com
* Technique d’impression qui permet de déposer l’encre directement sur le support.
** À l’origine, le Gig est un petit concert dans un bar. Une sorte de « boeuf ».


