XAVIER JAMIN, LE POUSSEUR DE MURS
Un nouveau partenariat de proximité entre le Quai M, le Conservatoire (le Cyel, le Centre Yonnais d’Expression Libre) et le lycée Pierre Mendès France de La Roche-sur-Yon est effectif depuis le début de cette rentrée. Pour la première fois, des élèves de spécialité ou option musique vont pouvoir pratiquer, créer, rencontrer, coopérer, s’enrichir, découvrir partager voire envisager des parcours dans le domaine des musiques actuelles. Un projet monté rapidement, dans un réel souci d’ouverture et dans une totale osmose entre les trois structures. C’est en tout cas ce que nous a confié Xavier Jamin, le directeur du Conservatoire. Morceaux choisis.
Xavier Jamin est déjà dans sa rentrée. Celle-ci n’est pas encore officielle à l’heure où nous le rencontrons mais on pressent, chez lui, l’effervescence d’un avant match. Dans quelques jours, 1800 « apprenants » en arts plastiques, danse, théâtre et musique déambuleront dans les couloirs du Conservatoire, occuperont les salles de répétition et de création, redonneront vie à ce bâtiment de verre qu’est le Cyel.
« Comme on peut le voir, ici, la lumière extérieure passe partout. Et pour ce qui est de notre mission, c’est un peu la même chose. On se doit d’être ouverts. Sur l’extérieur. Sur les autres. C’est dans cet objectif que j’ai pris la direction du Conservatoire en 2020. J’ai voulu ouvrir et moderniser cette image un peu guindée, un peu renfermée du conservatoire à l’ancienne. C’est aujourd’hui impossible pour le Cyel de vivre seul, de faire tout seul, en vase clos. D’ailleurs, ça ne me viendrait même pas à l’idée de ne pas profiter de la diversité des structures de grande qualité que l’on a sur notre territoire comme le Grand R, le Concorde, la médiathèque ou encore le Quai M. »
C’est d’ailleurs avec ce dernier, et le lycée Pierre Mendès France, qu’un nouveau partenariat, soutenu par le rectorat, a été mis en place pour permettre aux jeunes qui le souhaitent d’envisager un parcours personnalisé dans le domaine des musiques actuelles. Au programme, concerts, rencontres avec des artistes, appui pédagogique et technique avec les équipes de la SMAC, découverte de métiers en lien avec la salle de concert, conférences, ateliers et accès aux studios de répétition du Quai M. « C’est une façon pour nos jeunes de se rendre compte de la réalité du terrain, du quotidien de l'artiste, de l’ingénieur du son ou de tout autre métier en lien avec le milieu musical. C’est aussi leur faire prendre conscience que faire de la musique, évoluer dans la musique c’est merveilleux certes, mais ça n’arrive pas comme ça, d’un claquement de doigt. Ça demande du travail, de l’abnégation parfois et c’est, dans le cas d’un élève qui veut devenir musicien, minimum 2 à 3 heures de travail d’un instrument par jour. »
Mais Xavier Jamin constate aussi que le profil des élèves a évolué. « Prenons exemple de l’électro qui fait partie des musiques actuelles. Aujourd’hui, nous sommes en face de jeunes qui n’ont pas systématiquement de parcours classique, qui ne travaillent pas forcément un instrument traditionnel comme le piano ou la guitare. J'ai voulu que le Conservatoire réponde à cette spécifié parce que la musique, aujourd’hui, c’est aussi ça. Des jeunes de 15-16 ans qui essayent des choses, qui peuvent créer de A à Z un véritable morceau en quelques clics, dans leur chambre, en visionnant des tutos sur YouTube. Ils ont déjà un bagage et une pratique personnelle de la musique que l’on doit, nous, directeurs et enseignants, prendre en compte, respecter, compléter et consolider au cas où ils souhaiteraient se professionnaliser. Notre mission est de leur donner plus de densité. Quand un jeune me dit « maintenant, je comprends mieux ce que je fais », pour moi c’est gagné. Et puis la réalité c’est que nos profs du Conservatoire ont la trentaine. Les musiques actuelles, ils en écoutent tous les jours. Ça fait partie de leur quotidien. Même moi qui suis beaucoup plus vieux qu’eux (rires), j’écoute plus régulièrement des musiques qui peuvent passer au Quai M que du Mozart. C’est aussi pour cela que nous avons voulu travailler avec Benoît Benazet et son équipe. Pour coller à la réalité du terrain et à la « consommation » de la musique d’aujourd’hui. »
Est-ce alors une autre façon de casser l’image traditionnelle du Conservatoire ? « Oui. Encore aujourd’hui, certains jeunes et certains parents n’osent pas venir chez nous parce qu’ils pensent que le Cyel est réservé à ceux qui veulent faire de la musique, de la danse ou du théâtre une profession. D’autres pensent qu’il faut forcément être d’un excellent niveau avant d’y entrer. Sans compter ceux qui croient que l’enseignement est purement et simplement classique. Ce n’est pas du tout vrai. Le Conservatoire est avant tout un lieu de découverte d’un art. »
La musique, Xavier Jamin la connait et la pratique depuis tout petit. Issu d’une famille de musiciens, joueur de tuba - comme son grand-père - il passe un Bac … musique, fait une Fac de … musique, décroche son diplôme d’état pour être professeur de tuba et directeur d’orchestre. Il évolue dans l’orchestre symphonique de Bretagne et l’opéra de Rennes et devient à 28 ans directeur d’une école de … musique où il y restera 18 années. « J’ai un parcours un peu atypique parce que je ne suis pas passé par la direction d’une grosse école comme celle de Saint-Nazaire par exemple. D’habitude, c’est une étape obligatoire pour accéder à la direction d’un conservatoire. » Mais cela ne l’a pas l’empêché, à 50 ans, d’être à la tête du Cyel, poste qu’il occupe désormais depuis presque 5 ans.
Et le tuba dans tout ça ? A-t-il encore le temps de jouer ? « Pas trop. Est-ce que ça me manque ? C’est marrant que vous me posiez la question parce qu’il y a quelques jours je me suis dit que ça commençait à me titiller un peu. Mais vous savez, je pars du principe qu’il faut bien faire les choses. À fond. Ça vient de mon père, je crois. Il était toujours très investi et précis dans ce qu’il faisait. À mon arrivée, ici, en plus de mes fonctions de directeur, j’avais gardé la direction d’orchestre. J’avais des journées où je passais d’une réunion managériale à la direction d’orchestre sans avoir préparé quoique ce soit. Et ça ne me paraissait pas correct. J’ai donc confié cette dernière à quelqu’un d’autre et je me consacre désormais entièrement à ma tâche de directeur du Conservatoire que j’aime profondément parce que c’est avant tout un travail de gestion de l’humain.
Et si vous n’aviez pas été directeur du Cyel? « J’aurais monté ma boite. J’aime créer des choses. Mettre en place des idées, des projets. Là encore, ça doit venir de mon père qui avait une entreprise de maraîchage avec 7 ou 8 salariés. J’aime l’idée d’une certaine autonomie et d’une grande liberté. Et j’espère que ces deux notions transpirent un peu, ici, au Conservatoire. »