THOMAS DE POURQUERY, SENSIBLE ET LUMINEUX
On connait Thomas de Pourquery en jazzman saxophoniste virtuose, pierre angulaire du groupe Supersonic fondé en 2012. On le connait surtout décollant invariablement les étiquettes que les autres s’évertuent à lui poser dans le dos le réduisant de facto à un style, un genre, une case. Thomas de Pourquery n’est pas un. Il est multiple, poussé par l’envie, la découverte et les rêves. Il vient d’ailleurs d’en réaliser un nouveau. Sortir un album (Let The Monster Fall) où le jazz laisse la place à une électro-pop éclairée et ludique. L’occasion pour le garçon de se cacher un peu moins derrière son saxophone. D’assumer pleinement sa position de frontman les deux pieds bien ancrés dans le halo de lumière de bord de scène. L’occasion aussi pour nous de le découvrir le 24 mai prochain à 20h30 au Quai M.
Thomas de Pourquery a la voix des sages. Ou des mages. C’est selon. Elle enrobe le pavillon de votre oreille et recouvre votre conduit auditif externe. Elle est ronde. Les « on » et les « an » viennent du nez mais il n’y a rien de nasillard, rien d’agressif, rien d’écorché. La voix est douce, profonde et on l’imagine aisément répondre aux questions, de l’autre côté du téléphone, installé confortablement dans un large et épais fauteuil de velours couleur rubis une tasse de café fumante à la main.
Parler de cet ovni créatif c’est dérouler les qualificatifs tant le garçon est un touche-à-tout. Ancien rugbyman, auteur-compositeur, arrangeur, musicien, comédien, chanteur, jazzman, saxophoniste, ou chef de (big) band lors de la cérémonie des César, il superpose les casquettes. Mais lui a-t-on déjà seulement demandé comment se définirait-il ? « Je me considère musicien. J’aime le mot. Je trouve que ça sonne bien. Et je suis tellement reconnaissant de faire de la musique. C’est merveilleux de faire ce métier. Tous les matins, je me réveille et je me réjouis de parler au monde grâce à ce langage universel avec lequel je peux tout faire, tout exprimer, tout ressentir. Je suis très conscient de ma chance. »
Son dernier album « Let The Monster Fall », sorti le 29 mars, regroupe 14 titres. 13 en anglais. 1 en français - un duo ensoleillé avec Clara Ysé qui, elle, passera par le Quai M en novembre prochain -, sur lesquels il a posé sa voix de baryton. « Je m’étais déjà essayé à la chanson mais j’avais envie d’assumer un album entier. Alors j’y suis allé. » Certains des textes remontent à son adolescence et plus que des histoires, Thomas raconte des images par petite touche à l’instar d’un peintre. Il juxtapose les ressentis. Alain Bashung faisait cela. Brigitte Fontaine encore aujourd’hui. Bertrand Belin suit cette tendance. « Ça m’honore de faire partie de ces raconteurs-là. Ça m’impressionne aussi. Je puise mon inspiration dans l’existence. Je suis très conscient de notre infinie petitesse dans cet infiniment grand. Les étoiles me parlent. Le lumineux aussi. Tout cela m’électrise. »
Et l’album est chargé. En énergie. Le mettre sur une platine, c’est allumer quelque chose qui ne s’explique pas vraiment. Il est intense et ludique : « C’est vrai. On dit bien jouer de la musique. J’ai pris l’expression au pied de la lettre (rires). Et puis le jeu induit la joie qui n’empêche pas le second degré, la profondeur et la mélancolie. Je ne suis dupe de rien, vous savez. Mais j’aborde les choses de manière décalée. Notamment sur scène. »
Fait-il une différence entre le concert jazz et le concert pop ? « Pas vraiment. Pour moi c’est la même chose. J’aborde de la même manière une grande salle ou un club. À une différence près. Le public est majoritairement debout dans un concert pop. C’est un peu plus assis dans le jazz. Mais dans les deux cas, on sent les corps bouger, se mettre en contact. Le plaisir est dans la communion. »
Thomas n’est pas blasé. Il trouve un intérêt à tout. Goûte à tout. Profite de tout et s’exalte d’un rien. Il est acteur, demandeur, jouisseur. Il prend. Il vit. Pleinement. « Je ne sais pas d’où vient cet enthousiasme. Peut-être parce que je suis conscient d’être un humain, d’être un être faillible, de faire partie d’une espèce qui a de nombreux travers. Je suis moi-même pétri de zones de turbulences, de peurs et d’angoisses. Mais dans ce cas, je me retourne toujours vers quelque chose de plus grand que moi. D’une certaine façon, j’ai la foi mais pas celle des dogmes. J’ai celle des étoiles et de la Nature. Je peux d’ailleurs m’émerveiller devant l’éclosion d’une simple petite fleur. »
C’est pour cela qu’assister à un concert de Thomas de Pourquery est une expérience à part entière. Il permet de laisser au vestiaire cette morosité ambiante qui colle à la peau. « J’ai, à ma modeste place, une petite mission à remplir. Celle de faire jaillir la lumière pendant 2 heures. Je suis une sorte de baume réparateur. Un onguent. Un cataplasme (rires). Je fais de la musique pour transmettre le bien. Je crois que je suis là pour ça et j’ai l’impression que ça me rend meilleur. »
À 47 ans, il n’a plus grand chose à prouver. Il a acquis la reconnaissance de ses pairs et du public. Mais ce serait mal connaître le garçon que de le résumer à une sorte de trublion. En travailleur acharné, il remet les compteurs à zéro et son ouvrage sur le métier chaque jour. « Je ne me sens pas artiste. Être artiste ne m’inspire pas. Ne m’amuse pas. Alors qu’artisan oui ! J’ai besoin de créer, de faire, d’aller voir de l’autre côté. »
Et s’il n’avait pas été musicien ? « J’aurais été braqueur de banques. Mais sans flingue, sans effusion de sang. Classe. Quand j’étais petit, j’avais extrapolé tout un plan pour braquer la Banque de France (rires). » Un Robin des Bois des temps modernes ? « Plutôt un gangster à la Mission Impossible ! Je ne suis pas du genre à cracher sur la grande villa au soleil ! »
Thomas de Pourquery est en concert au Quai M le 24 mai prochain à 20h30 avec à ses côtés Sylvain Daniel, Akemi Fujimori, Etienne Jaumet et David Aknin. La première partie est assurée par EXTRAA.
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