THOMAS DUBOIS, L’AMBIANCEUR SONORE
Thomas Dubois fait de la musique. Beaucoup. Tous les jours. Pas pour lui. Pas en son nom. Mais pour les autres. Loin des live et des scènes musicales qu’il a connus dans une autre vie, il compose depuis une dizaine d’années des identités sonores pour des entreprises, des marques, des agences de communication. Un métier de ressenti, d’ambiance et d’atmosphère. Assez mystérieux pour que l’on ait envie de partager un café avec lui.
Attablée dans un bar de centre-ville, j’appuie sur l’enregistreur de mon téléphone portable après avoir demandé son autorisation. Thomas Dubois est timide. Ça se sent. Un peu sur la défensive. Ça se voit. Il attend ma première question en trempant ses lèvres dans son arabica. Je perçois dans son œil qu’il se demande pourquoi je souhaite écrire un papier sur lui. Il n’a apparemment rien d’original. Il compose et créé « juste » pour les autres. Je pense tout le contraire. Son approche de la musique est différente. Et ça m’intrigue.
Certains l’ont connu, dans les années 2010, compositeur et musicien de plusieurs groupes comme GlucoZ, Dive Inn ou plus récemment N#rth. « Benoit (Bénazet, directeur du Fuzz’Yon et du Quai M) nous a accompagnés un temps. Il trouvait que ce que nous faisions était super bien et aussi super nul ! (rires) Bref, il y avait du boulot ! Ça nous a permis de nous professionnaliser un peu. D’être plus rigoureux dans le jeu. De simplifier les choses. D’analyser chaque morceau. Nous n’étions plus simplement des amis qui bouffent ensemble. » Y a-t-il une pointe de nostalgie ? « Pas vraiment. J’ai aujourd’hui 42 ans. C’est derrière moi. Ça me va. Et puis entre nous, scéniquement j’étais à chier ! (rires).»
Instrumentiste, Thomas l’a été pendant ses quatre années de Conservatoire à La Roche-sur-Yon où il apprend le hautbois et le piano. « Ce ne sont pas les meilleures années de ma vie. Le côté scolaire, académique, ce n’était vraiment pas mon truc. Au début, c’était chouette. C’était du plaisir. Je n’avais pas vraiment besoin de travailler. Mais à un moment donné, il faut aller plus loin. Il faut bosser. Le Conservatoire est une école. C’est le jeu. Je n’avais pas envie de ça. Apprendre le solfège… Moi, j’ai toujours joué et composé à l’oreille. Encore aujourd’hui je ne sais pas très bien lire une partition. »
Thomas abandonne définitivement le hautbois et laisse tomber le piano. Longtemps. Il gratte alors sur une guitare en autodidacte parce qu’il a toujours vu son père en jouer, parce qu’il a tout simplement envie d’essayer et il tire sa curiosité vers la basse. « Quand je me suis remis au piano pour mon métier, j’avais pratiquement tout oublié du Conservatoire. Je me souvenais d’une seule chose. La position du Do sur le clavier. Ça ne m’a pas empêché de créer des mélodies. »
Désormais, il est designer et compositeur sonore. Le travail commence souvent de la même manière. À tâtons. Un début de son. Un embryon de mélodie. Un ersatz d’harmonie. Il cherche. Il fouille. « Mais je suis très aidé par mes clients. Ils me donnent un axe, une ligne directrice, des valeurs à respecter dans les identités que je dois créer. Ça peut paraitre contraignant mais je crois qu’au contraire ça m’aide. Ça permet d’avoir une liberté dans un cadre défini et un résultat qui convient à tous. »
Thomas a déjà « sonorisé » Le Potager Extraordinaire, Beneteau, Carrefour, la SNCF, la Ville de Nantes, Le Pays de Saint Gilles Croix de Vie et bien d’autres.
Comment travaille-t-il ? « J’échange beaucoup avec mes interlocuteurs. Ce n’est pas facile pour eux de « dé-peindre » musicalement un lieu, un endroit voire une sensation. Pour Saint Gilles, je savais qu’ils voulaient du bord de mer, du sport et de la famille. À moi de créer des « images sonores » sur cette envie. Pour le côté nature, je suis allé capter, en prise extérieure, des sons de forêt, de pas dans les dunes, de souffle du vent, de bouts qui tapent sur le mat d’un bateau. Ensuite, je les incorpore dans une mélodie créée pour l’occasion. Tout cela définit une coloration. C’est comme un plat. Tu mets un soupçon de sel par-ci par-là. Je suis un peu cuisinier. Je compose. J’associe des goûts qui sont des sons. Ça donne des ambiances, un ressenti. Quelque chose d’un peu flou mais qui impose une émotion. Et c’est ça qui m’intéresse dans la musique. L’émotion. »
Thomas n’aurait pas pu être pâtissier. Une pâtisserie réussie c’est une recette suivie au cordeau, au grammage et à l’ingrédient près. « Tu as raison. Je n’aime pas les compositions trop précises. Je n’aime pas les paroles dans les chansons. Soit elles orientent trop. Soit elles perdent l’auditeur. Pour moi, la musique suffit à comprendre ce que le compositeur a voulu dire. Je crois être plus anglo-saxon que français. C’est la mélodie qui me parle. Avant tout. »
Selon ses dires, il a un rapport particulier à la musique. Il aime la découverte certes, mais il peut passer des semaines sans en écouter. Certainement parce qu’il en fait tout le temps.
Quand je lui demande quel autre métier aurait-il aimé faire, il réfléchit longuement. Il lève la tête. La baisse et répond qu’il ne se voit pas faire autre chose qu’ancré dans la musique. « Si je n’étais plus là-dedans, je serais très malheureux. Je n’aurais plus de raison de me lever et de faire quelque chose de mes journées. »
Aujourd’hui, Thomas a un carnet de commandes bien rempli. Il a même créé, en complément d’activité, une boite qui propose de la pêche en mer, son autre passion.
« Tu sais, je vais bien. Je suis heureux. Je me sens plus centré. Plus posé. Stabilisé. Créatif aussi. Je crois que je suis content de vieillir. »