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C'EST CHIANT LA MUSIQUE CLASSIQUE ?

PAR ADÈLE FUGÈRE
Photo représentant une femme avec une robe longue en velour en plusieurs exemplaires qui devient une femme avec jupe courte et bottes. Photo représentant une femme avec une robe longue en velour en plusieurs exemplaires qui devient une femme avec jupe courte et bottes. Photo représentant une femme avec une robe longue en velour en plusieurs exemplaires qui devient une femme avec jupe courte et bottes. Photo représentant une femme avec une robe longue en velour en plusieurs exemplaires qui devient une femme avec jupe courte et bottes. Photo représentant une femme avec une robe longue en velour en plusieurs exemplaires qui devient une femme avec jupe courte et bottes. Photo représentant une femme avec une robe longue en velour en plusieurs exemplaires qui devient une femme avec jupe courte et bottes. Photo représentant une femme avec une robe longue en velour en plusieurs exemplaires qui devient une femme avec jupe courte et bottes.
https://com-gom.com/la-musique-classique-dans-la-publicite/

Une fois n’est pas coutume, intéressons-nous au concert de musique classique.

Je sens que la température a chuté soudainement flirtant dangereusement avec les -15 degrés sibériens. Et j’en vois déjà deux ou trois fuir par la porte de service prétextant une rage de dents subite à soigner sine mora. Oh je ne vous en veux pas ! Disons pas encore. Partez (courez vite quand même). Mais c’est vrai que la musique classique a encore aujourd’hui, en 2023, cette image collée à l’adagio de quelque chose d’élitiste, réservée à des néophytes et excessivement codée. N’y allons pas par quatre chemins, la musique classique serait, pour une grande majorité d’entre nous, chiante à mourir et donc à écouter. Alors imaginer assister à un concert symphonique ou à une représentation de musique de chambre… No way.

Je vous rassure. Je n’ai aucune envie de jouer la vieille tante acariâtre vous obligeant à écouter la suite n°1 pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach (prononcez « Bar » avec un « r » en fond de glotte, c’est plus classe) pendant tout un après-midi en sirotant un Earl Grey dans des tasses en porcelaine de Limoges fleuries entre deux soupirs de spleen à regarder la pluie pleurer sur les carreaux d’une fenêtre à la peinture cloquée par le temps. Non. Ce n’est pas mon genre. Je déteste le Earl Grey. Ou alors avec une (grosse) lichette d’Armagnac dans le fond. Mais sachez toute de même qu’il n’y a pas plus populaire que la musique classique. Et quoique vous en pensiez, elle est absolument partout.

Dans la pub

C’est enfoncer une porte ouverte (cf. ceux et celles qui se sont barrés par derrière) que de dire que la publicité s’en est emparée depuis belle lurette. Souvenez-vous des « feuilletines » d’Aoste. Cette « réclame » remonte au siècle dernier - 1999 plus exactement - mais je suis sûre que certains se remémorent encore aujourd’hui ces tranches de jambon tellement fines qu’on pouvait les manger - je cite - « du bout des doigts ». Ce que faisait des gens très endimanchés (et apparemment très pétés de thunes) au milieu d’un champ après avoir transporté malles (limite cantinières), chaises (pas de la marque Ikea. On était plutôt sur du fauteuil rembourré style Régence pesant un âne mort), crédence (apparemment en chêne massif alors qu’une table de pique-nique, à mon avis, aurait fait l’affaire) et lustre (pourquoi? Va comprendre Charles. Et surtout va trouver de quoi suspendre un lustre en cristal de Baccarat dans un champ mon petit Charly!). On sentait que « becqueter » du jambon sans fourchette était la chose la plus transgressive que ces privilégiés faisaient depuis longtemps. Alors que c’est quand même le truc que tu fais, toi, à chaque fois que tu as un jambon-coquillettes devant le museau dans une vie normale où une lampe de camping achetée chez Décathlon à 2,50 euros remplace allègrement un plafonnier qui pèse quatre tonnes. Mais passons… Ces gens s’encanaillaient de charcuterie sur de la musique classique et plus spécifiquement sur Rigoletto de Giuseppe Verdi. Aujourd’hui, la berline DS4 roule sur la symphonie n°9 d’Antonin Dvorak. La moutarde Maille picote sur Le Boléro de Ravel et les pâtes Barilla s’entortillent sur Lakmé d’Edmond Gondinet et Philippe Gille.

Partout. La musique classique est absolument partout. Même dans vos playlists et certainement sans vous en rendre compte. Lisez ce papier jusqu’au bout (ce serait quand même dommage de vous priver de cette plume digne de celle de Chateaubriand. François-René. Pas la commune située en Loire-Atlantique) et allez vérifier.

Dans le Rock, la Pop, le Hip-Hop

Le grand récupérateur en la matière est Serge Gainsbourg. Et le garçon ne s’en cachait même pas : « j’aime la grande musique. Moi je fais de la petite musique. De la musiquette. Un art mineur. Donc j’emprunte ». Pour écrire le célèbre morceau Poupée de cire, Poupée de son interprété par France Gall lors de l’Eurovision de 1965, Gainsbourg s’est inspiré du 4e mouvement de la sonate pour piano n°1 de Beethoven. Pour Lemon Incest, il reprend la mélodie de L’étude n°3 op. 10 de Frédéric Chopin. Et que dire de Jane B. interprété par Jane Birkin s’appuyant sans complexe sur Le Prélude n°4 op. 28 du même compositeur.

Les musiques urbaines s’en inspirent également alors qu’on serait à même de croire qu’un boulevard existe entre la musique classique, dite sérieuse, et le Hip-Hop. Celui-ci s’en empare pour donner un son riche et travaillé au-dessus duquel l’artiste peut ensuite poser son texte. C’est le cas du rappeur Nas qui fait appel à l’intemporelle Lettre à Elise de Beethoven sur le titre I Can. Plus proche de nous, Shurik’n sur Les miens avec le 2e mouvement de la symphonie n°5 de ce bon vieux Tchaïkovski.

Sur TikTok et dans les salles

Et si vous allez faire un tour sur l’appli TikTok, les jeunes illustrent aujourd’hui leurs vidéos de morceaux classiques en piochant dans le répertoire des musiques de films comme celui du compositeur Hans Zimmer célèbre pour avoir « habillé » Gladiator, Inception ou plus récemment Dunkerque.

D’ailleurs les concerts de musique de films et les ciné-concerts ont, depuis quelques années, le vent en poupe. Le compositeur américain Danny Elfman, acolyte fidèle et musical de Tim Burton; Eric Serra, créateur de la musique du Grand Bleu de Luc Besson; le français Alexandre Desplat compositeur du Grand Budapest Hotel de Wes Anderson ou de La Forme de L’Eau de Guillermo del Toro sans oublier l’immense Ennio Morricone qu’on ne présente plus, jouent tous en ce moment à guichets fermés. Ne serait-ce pas là une manière plus douce, moins sérieuse, plus abordable, plus populaire donc, de se familiariser à la musique classique dite trop élitiste? À ses concerts dits trop soporifiques? Et à ses codes dits trop nébuleux?

Certes, on ne va pas à un concert de musique classique comme à celui d’un groupe de rock. On ne brandit pas de pancarte « Mozart, veux-tu m’épouser? » au milieu d’un requiem. D’abord parce que Mozart est mort depuis 232 ans, ensuite parce que brandir un écriteau alors que le chef d’orchestre est 99 % du temps dos à son public, pardonnez ma franchise, mais c’est complètement con. Certes, il y a aussi des pièges. Il y a par exemple plusieurs mouvements dans une sonate. Applaudir entre chaque en faisant des « woooo », vous risquez de voir votre voisine, permanentée bleu lagon et d’un âge avancé, vous entartrer son sac à main en cuir retourné de chez Lancel dans la face et sans sommation. Et certes, on ne headbangue pas sur Carmina Burana de Carl Orff même si ses cantates sont violentes, épiques et dignes d’un Hells Bells d’AC/DC.

Mais je ne saurais vous conseiller que de faire l’expérience, au moins une fois dans votre vie, d’un concert de musique classique interprété par un orchestre symphonique salle Pleyel à Paris ou plus près de chez nous à La Cité des Congrès de Nantes. Vous verrez que vous entendrez du « gros son » et que vous le sentirez passer par tous vos os. Et je vous conseille aussi d’assister à un concert intimiste de viole de gambe reprenant le répertoire élisabethain du britannique John Dowland dans une toute petite église d’un fin fond de cambrousse. Les instruments vous murmureront littéralement des confidences à l’oreille.

Dans les deux cas, vous aurez l’intime conviction d’avoir vécu un moment intense, privilégié, extrêmement vivant et pas chiant pour deux sous.

La vieille tante acariâtre vous embrasse.

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