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LA MUSIQUE ADOUCIT-ELLE LES MŒURS ?

PAR ADÈLE FUGÈRE
Femme écoutant de la musique au casque Femme écoutant de la musique au casque Femme écoutant de la musique au casque Femme écoutant de la musique au casque Femme écoutant de la musique au casque Femme écoutant de la musique au casque Femme écoutant de la musique au casque

C’est parce qu’une amie ponctua sa phrase d’un rassurant « Tu sais ce qu’on dit, Adèle ? La musique adoucit les mœurs » que justement je me suis demandée si celle-ci le faisait vraiment.

Je sens déjà votre sourcil monter un cran au-dessus de son niveau habituel et vos deux yeux rouler dans leurs orbites, exprimant un ras-le-bol non feint devant un sujet qui n’intéresse certainement que moi. Mais réfléchissons ensemble un instant si vous le voulez bien.

Vers 350 av. J.-C., ce bon vieil Aristote, philosophe de son état et disciple de Platon, du haut de ses falaises grecques et antiques, et bien avant que le Sirtaki fasse fureur dans les night clubs helléniques, était-il sûr de lui quand il prononça cette phrase ? Et pouvait-il croire que celle-ci deviendrait, quelques 2200 ans plus tard, plus qu’une simple formule, une maxime, un proverbe, limite un mantra. On ne le saura jamais, « Totote » étant mort en 322 av. J.-C. soit de vieillesse, soit de maladie, soit de cigüe. Je vous laisse le choix des armes.

Oui, la musique adoucit les mœurs.

Faisons comme s’il avait raison. La musique adoucit bien les mœurs. Les médecins l’attestent et les neurologues le confirment. Rien de tel qu’un morceau de musique écouté en soirée pour faire redescendre la pression d’une journée bien chargée. Le rythme et l’harmonie apaisent. Ils réduisent le débit cardiaque sauf si vous décidez de mettre pleine balle dans le salon familial « The Number Of The Beast » d’Iron Maiden qui, vous en conviendrez, ne s’écoute qu’à la limite de l’entendable, l’album pouvant réveiller un mort ou faire exploser le taux d’excitation d’un neurasthénique compulsif.

Mais revenons à nos mœurs.

La musique est d’ailleurs très utilisée auprès des malades atteints d’Alzheimer. Selon la fondation du même nom, en agissant sur les hormones du plaisir, les endorphines et la dopamine, elle permet de faire baisser la pression lors de moment de stress mais elle permet aussi de stimuler l’activité cérébrale des patients au point de raviver certains souvenirs comme ce fut le cas avec Marta C. Gonzalez.

On sait peu de chose sur elle. Elle fut certainement Première ballerine au ballet de New York dans les années 60. Elle est atteinte d’Alzheimer. Elle est âgée, diminuée, souvent triste et négative, et ne se déplace qu’en chaise roulante. Au printemps 2020, on lui met un casque sur les oreilles. Elle y entend « Le Lac Des Cygnes » de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Elle demande à ce qu’on augmente le volume. Et tout lui revient. Elle redresse son port de tête. Elle mime la chorégraphie avec les bras à défaut de ne plus avoir ses jambes et l’émotion et le plaisir se lisent sur son visage. La vidéo réalisée et postée par l’association « Musique pour l’éveil » a bouleversé la Toile.

Et c’est la preuve vivante que la musique adoucit, apaise et allège.

Mais ce serait bien trop simple, bien trop parfait et bien trop dans le sens de tonton Aristote, car la musique peut aussi être dure, agaçante, pesante et oppressante.

Non, la musique n’adoucit pas les mœurs.

Callen, petite bourgade des Landes de 147 habitants, a vu sa tranquillité s’ébranler quand une des ses habitantes fit vivre un enfer à son ex-mari. Le divorce prononcé, la maison des deux protagonistes est séparée en deux et les anciens maris et femmes deviennent alors voisins. Mais monsieur s’y installe avec sa nouvelle compagne. Et qui dit nouvelle pépé dans un périmètre de 30m, dit ex-femme remontée comme une pendule et pas super emballée par l’idée. Cette dernière décide alors de faire vivre un enfer aux amoureux en diffusant pendant des heures des chansons de… Michel Sardou. Comme moyen de pression, on ne fait pas pire et pas moins original parce qu’il fallait quand même penser à faire cracher les enceintes de « Femmes Des Années 80 », « Je Vais T’Aimer », « Afrique Adieu » et autre « Java De Broadway » en continu.  Résultat, le couple souffre du syndrome d’anxiété généralisée. Quant à la « tortionnaire », elle est condamnée par le tribunal de Mont-de-Marsan à trois mois de prison avec sursis pour harcèlement et verser 300 euros de dommages et intérêts à chacune de ses deux victimes.

Alors, je ne rentrerai pas dans le débat « Sardou musique ou bruit ? » car tous les goûts sont dans la nature, et qui suis-je pour juger ceux et celles qui frissonnent aux premières notes de « Je Vole ». Mais concédez quand même que dans ce cas précis, la musique loin d’adoucir les mœurs, se range dans la catégorie d’arme de destruction massive à l’instar de soldats américains torturant des prisonniers irakiens, pendant la seconde guerre du Golfe en 2003, avec du Metallica, du Britney Spears ou encore du Bruce Springsteen (si, si), bien loin d’une simple histoire de jalousie.

Donc, oui la musique adoucit les mœurs. Mais pas tout le temps.

Et vous serez d’accord avec moi, « Les Lacs Du Connemara » ne s’écoutent - et ne se hurlent - qu’un soir de mariage, à 4h du matin, la cravate autour de la tête et un taux d’alcoolémie à pas piquer des hannetons.

A consommer donc avec modération.

L’alcool et Michel.

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